Samedi soir. C’est le soir où il y a plus de monde. Les gens profitent de leur soirée puis de leur nuit, ils savent que le lendemain c’est dimanche et qu’ils peuvent se coucher à n’importe quelle heure, quitte à faire la fête jusqu’à la fermeture du club. Ce soir je danse, ce n’est pas prévu mais j’en ai rien à faire, ce club m’appartient alors j’en fais ce que j’en veux. Je veux danser, j’ai besoin d’évacuer cette habituelle pression que je ressens lorsqu’il y a encore plus de clients à servir. Les employés sont tous venus pour une fois, au moins, ils auront leur salaire comme prévu et ne se feront pas virer le prochain soir où ils auraient daigné se bouger.

Je dois présenter un numéro du genre burlesque, comme celui qui apparait dans le film du même nom. C’est la scène où une danseuse fait semblant de chanter – avec la voix de Marilyn en fond - que les diamants sont les meilleurs amis des filles, sauf que moi, je chante véritablement. Ça me fait du bien, c’est comme quand je danse, je me sens mieux, apaisée. Presque sur une autre planète. Il faut que je dépêche de monter sur scène avant qu’Isaac arrive. Oh ! Je ne vous ai jamais parlé de lui, c’est vrai. C’est mon meilleur ami depuis un peu moins d’une dizaine d’années. On s’est connu avant que je ne parte en prison. Comme mon avocat, il fut une des personnes qui m’a le plus soutenue durant toutes ces années « d’exil ». Je n’avais pas du tout pu parler à Cooper pendant ma détention, ces saloperies nous avaient complètement séparés et j’crevais en l’attendant.

Enfin… Il fallait que je monte sur scène, je revêtais une robe assez courte, qu’on aurait pu penser parsemée de diamants tellement elle brillait. Je passais au maquillage, comme chaque danseur. Puis à l’atelier coiffure. J’avais déjà joué ce numéro, il ne me posait jamais problème et je craignais que cela cesse. Une seule erreur et le club perdait de sa popularité, et tout ce que j’avais bâti avec mes amis s’écroulait. Allez, il était temps de monter sur scène. Avec mon équipe, on se devait d’assurer, comme d’habitude. De toute façon, personne ne peut me voler la vedette, je suis LA star du club, pour une fois, je ne reste pas dans l’ombre, pas comme quand j’étais petite. Désormais, je brillais. J’étais déchaînée ce soir, pourtant, je n’avais pas pris un gramme de coke. Est-ce que j’en avais vraiment besoin certains soirs ? Ce n’était peut-être qu’une illusion… Mon corps ne la réclamait plus comme auparavant, j’avais dû me faire à toutes ces substances depuis le temps que j’en avais consommé.

Tout se passait à merveille, j’apercevais Isaac qui était là comme convenu, je lui souriais, puis je quittais la scène. L’avantage d’être le gérant, c’est que tu improvises ton planning en fonction de tes envies. J’étais heureuse d’avoir dansé ce soir. J’allais me changer, puis je rejoignais mon meilleur ami, affichant un sourire Colgate.

Samedi soir. C'était le moment où je pouvais partir de chez moi, m'amuser. J'avais prétexté une sortie entre collègues de l'hôpital et j'avais demandé à l'une des infirmières de me couvrir au cas où ma femme chercherait à me joindre. Je pris ma voiture et me dirigeai vers le club d'Emilia. C'était une des rares personnes, probablement la seule en réalité, qui connaissait ma situation, toute mon histoire. Mon penchant prononcé pour la gente masculine, le fait d'avoir été obligé d'épouser Judith... Je pouvais la considérer comme ma meilleure amie en réalité.

Arrivé devant mon lieu de rendez-vous, je descendis de la voiture. Je portais un simple jean bleu foncé ainsi qu'un t-shirt noir. Rien d'exceptionnel. J'entrai et cherchai Emilia du regard. Elle était sur scène. Les regards étaient centrés sur elle et l'on aurait pu croire que quelques uns étaient à deux doigts de baver. En même temps, elle était magnifique ce soir là. Lorsqu'elle m'aperçu, je lui fis un signe et elle descendit de la scène. Je la vis partir se changer, puis revenir avec un grand sourire. Je la pris dans mes bras et la saluai.

« Mais tu es magnifique ce soir ! J'ai pu voir une partie de ton spectacle, je pense que tu vas avoir plusieurs prétendants ce soir. »

Je l'emmenait avec moi vers le bar. Je commandai un simple Coca. Prudent, je rentrai en voiture alors l'alcool, hors de question. Pas ce soir. Je proposai à la belle jeune femme qui était à mes côtés de payer à sa place. Bien qu'en tant que patronne, elle n'en avait pas besoin. Mais peu importe. Ca donnait une impression de galanterie quand même. Mes propres pensées me firent sourire. J'arrivais quand même à faire des sortes de débats avec moi-même.

« Alors Emilia, ta semaine s'est bien passée ? »

Enfin, j’avais pu rejoindre Isaac ! Quel bonheur de le retrouver… Cela pourrait enfin me distraire. J’étais heureuse de tenir encore debout à cette heure-ci, sans prendre aucun « dopant », pour une fois. Je suis sûre que Cooper apprécierait Isaac si jamais il revenait, il n’y a vraiment aucun doute là-dessus. C’est une des personnes les plus importantes pour moi alors il n’aurait pas vraiment le choix ! Il m’avait fait signe avant que je ne l’aperçoive lorsque j’étais sur scène.

Il me prenait dans ses bras, il avait de la chance que je ne le repousse pas comme je le faisais avec certaines personnes. C’est tout simplement parce que j’l’aime beaucoup. Il disait que j’étais magnifique et je rougissais un peu. Venant de lui, je prenais réellement ça comme un compliment sincère. Il connait vraiment tout de moi, je lui avais fait part de chaque détail de mon passé, du plus banal au plus douloureux. Maintenant, je crois que tout ça est définitivement passé, encore heureux… Je me fichais du nombre de prétendants que je pouvais avoir ce soir. Qu’ils soient beaux, riches, ou bien des bons coups : je n’en ai rien à carrer. Celui que je veux pour moi seule, c’est Cooper. Même si on n’s’est pas vus depuis des années, il faut l’avouer… Je suis toujours raide dingue de ce fantôme qui ne reviendra sûrement pas pour retrouver son ancienne partenaire de défonce… J’espérais encore qu’il ne me considère pas comme ça. Pourquoi espérer pour ça ? Je sais qu’il m’aimait mais la question qui me hante c’est : m’aime-t-il encore ? Ne serait-ce qu’un petit peu ?

« Merci. Mais si tu seulement tu savais… Je m’en fiche complètement d’eux. Enfin, tu t’en doutes, non ? »

Je le suivais jusqu’au bar. Désormais je n’irai plus danser, les autres n’auront qu’à s’bouger à ma place. Il fallait que je passe un maximum de temps avec lui, sinon je n’en serais pas digne du tout. Il commandait un Coca. Il proposait de payer pour moi, ce qui me fit encore remarquer qu’il était galant, alors je le servais moi-même, puis pouffais en achevant pas un clin d’œil :

« Haha, non, ne t’en fais pas ! C’est la maison qui offre ! »

Quant à moi, je me préparai un gin tonic, vu que je ne remonterai pas sur scène. Il me questionnait ensuite sur comment s’était passée ma semaine, ce à quoi je répondais :

« Assez bien, un peu fatigante tout de même. Y a vraiment beaucoup de travail en ce moment et j’aimerai bien me poser de temps en temps… Et toi ? Comment ça va ? »

Je priais pour que la situation avec sa femme se soit arrangée et j’en doutais fortement. J’étais prête à parier qu’elle n’était même pas au courant qu’il était ici en ce moment. J’espérais aussi qu’un jour, ils divorceraient car cette situation n’est pas du tout évidente et il est malheureux avec elle. Je sais qu’il n’est pas trop branché « femmes » et qu’il préfère les hommes alors forcément… Son couple ne peut pas bien se porter.

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