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FUTURE STARTS SLOW
(or not?)

          L’air de la chambre semblait avoir pris feu. Je jurais que la chaleur des Enfers elle-même n’aurait su rivaliser. Je sentais la sueur perlait sur ma peau... Ou peut-être était-ce sur la sienne ? Nous n’étions plus qu’un entrelacs de membres, nos corps fusionnant au rythme de nos mouvements de hanches. C’était une danse presque silencieuse dans la nuit et uniquement troublée par nos respirations haletantes. La perfection telle que je n’avais pu l’atteindre depuis des siècles. Une envie pure et profonde. Celle d’un être à part entière. Non seulement un corps mais, également une âme, une aura qui recouvrant la mienne semblait la laver de ses erreurs, de ses blessures… Le plaisir, le bonheur, le partage. Tout ce que j’avais perdu ces dernières décennies semblait a porté de main. Un peu plus proche à chaque baiser, à chaque caresse, à chaque coup de…

          Dionysos ouvrit les yeux sur le plafond immaculé de sa chambre à coucher. Sur la table de nuit, son téléphone portable diffusait les premières notes d’une chanson de The Kills. La raison de son éveil. Il aurait dû l’éteindre comme chaque matin et prendre la direction de sa salle de bain. Au lieu de quoi, il resta allongé comme déconnecté de la réalité. Son rêve accaparait toutes ses pensées. Il lui avait paru si réel. Pouvait-il être l’œuvre de Morphée ? Il en doutait. Celui-ci avait très certainement d’autres fantasmes plus personnels à réaliser pour venir s’enquérir des siens. Lui-même n’en était pas à son premier rêve érotique, nom de Zeus ! (…) Mais, il s’agissait néanmoins du premier ou le visage de son partenaire lui apparaissait aussi nettement. Et quel visage ! Ces yeux d’un bleu de ciel d’orage, ce nez à la fois fin et parfaitement droit, ces lèvres minces et si alléchantes sous une masse de cheveux clairs. Il ne les avait aperçu que deux fois depuis sa réincarnation : c’était il y a trois jours. Trois jours et trois nuits que Harper Hart l’obsédé, littéralement.

          Il devait faire quelque chose. Mais quoi ? Le jeune homme n’avait plus remit les pieds dans l’aile Est depuis leur dernier échange – pour le moins coquasse, certes. Aucun de ses collègues n’avait su lui donner de véritables informations à son sujet et ce malgré l’utilisation de diverses méthodes. Il avait tout d’abord tenté de proposer des pots de vins, avant de se souvenir que Colin n’était autre que le fils du propriétaire des lieux. Il en était donc venu aux menaces… Ce qui aurait probablement était plus efficace si Harper Hart – car, il avait tout de même obtenu d’eux un prénom et un nom – n’était l’homme invisible de Juilliard. Moins sociable que le fantôme de l’Opéra lui-même. Il avait donc changé d’angle d’attaque et c’était rendu au bâtiment d’administration de l’école. La secrétaire, une certaine Margaret, avait été plus que ravie de le voir arriver et il ne lui avait pas fallût longtemps pour comprendre à quel genre de jeu Colin avait pu jouer avec elle. Il n’avait pas couché avec elle. Il l’avait laissé se languir d’une romance qu’elle prenait elle-même plaisir à imaginer.

          Elle n’avait pas cillé lorsqu’il lui avait demandé l’accès au dossier de l’agent d’entretien. Il était même sorti de l’imprimante avant même qu’il n’ait pu argumenter. Elle le lui avait ensuite tendu religieusement, sans poser la moindre question. Ce comportement poussa le Dieu à se demander qu’elle genre de promesse le jeune professeur avait pu avoir pour que la naïve demoiselle ne s’inquiète point de son intérêt déplacé pour un autre homme. Son attention s’était néanmoins vite tournée vers le dossier qu’il tenait entre ses mains et il avait quitté la jeune femme sur un simple signe de tête, hébété.

          Dionysos se tenait désormais devant la porte de l’appartement 306. Situé au troisième étage d’un immeuble miteux de Brooklyn, l’habitation ne payait pas de mine. La simple vue de la porte d’entrée et de sa peinture écaillée permettait au Dieu de deviner que si étudier à Juilliard offrait des possibilités luxuriantes, ce n’était très certainement pas le cas lorsque l’on y faisait le ménage. Harper Hart, l’agent d’entretien numéro quatre de la faculté de musique. Harper Hart, vingt-sept ans. Harper Hart, célibataire. Harper Hart, orphelin. Harper Hart, positif. Non pas optimiste mais, positif. Positif au V.I.H..

          Il se mordit la lèvre inférieure avant de prendre une grande inspiration. Maintenant qu’il était là, il ne pouvait faire demi-tour. Et sous aucun prétexte, il ne le devrait dans le futur. Avisant la vieille sonnette sur le mur, il appuya dessus d’un coup franc, ignorant la poussière qui la recouvrait. Il renouvela son geste. Une fois, deux fois, trois fois. Il entendait son bruit strident qui résonnait dans l’appartement. Il frappa plusieurs fois du revers de sa main sur le vieux battant de bois jusqu’à ce qu’une certaine agitation se fasse entendre de l’autre côté. Il attendit et finalement, la porte s’ouvrit sur…

          Il attendit et finalement, la porte s’ouvrit sur… Harper Hart, dont l’expression première, purement et simplement interrogative, lui aurait presque fait douter du motif de sa présence devant chez lui. Néanmoins, il n’eut point à se languir bien longtemps de la mine effarouché de sa nouvelle proie – appelons un chat, un chat. Car, à peine le regard bleuté du jeune homme se fut-il posé sur la silhouette de Colin Weasley que Dionysos put y décelé une lueur d’effroi tout comme il put ressentir la tension se réinstaller entre eux. Il était difficile pour lui d’en comprendre la provenance : elle ne pouvait ainsi être sexuelle. De plus, son vis-à-vis semblait peu enclin à un rapprochement de quelque nature qu’il fut.

          — Mr Weasley ? Je... Que puis-je faire pour vous ?, demanda-t-il alors d’une voix mal assurée.

          Cette interrogation eût le mérite de ramener le dieu à la réalité. Harper avait-il conscience de la portée qu’il aurait pu donner à ses mots ? Cela lui arracha un haussement de sourcil tandis que son regard restait braqué sur le visage du jeune employé. Seul un détail y avait changé : la présence d’une paire de lunettes. Si l’objet ne l’enlaidissait pas, il préférait avoir une vue dégagée sur les deux orbes orages qu’il avait eu la joie d’apercevoir précédemment... Reste concentré, Dee. Con-cen-tré.

          — Si vous vous inquiétez pour ce qu'il s'est passé je ne dirais rien, vous avez ma parole.

          Et pour la première fois devant lui, les lèvres du jeune homme s’étirèrent en un sourire. Un sourire qui sonnait terriblement faux mais, qui donnait envie. Envie de voir son beau visage s’éclairer pour de vrai. (…) Il ne se rendit compte qu’il fixait les dites lèvres que lorsque son misérable cerveau daigna lui rappeler que son interlocuteur venait auparavant de s’exprimer. Il lui avait donné sa parole. Sa parole à propos de ? – Penchant légèrement la tête sur le côté, il contempla un bref instant les joues légèrement rougies de son cadet et la réponse lui apparût d’elle-même. Il était gêné. Rien à voir avec sa musique et l’intrusion de Dionysos et de son presque-amant. Non. Il était gêné par ce qu’il avait vu ce jour-là.

          Plantant son regard vert d’eau dans celui d’Harper, il ne réfréna aucunement l’étonnement qui se peignit sur ses traits. Ce garçon était un livre ouvert… Mais, un livre écrit dans une langue qu’il ne maitrisé que superficiellement. Et Aphrodite seule, savait combien il lui en avait été donné de connaître pourtant! Aussi préféra-t-il changer de méthode. Sans adresser la moindre parole au propriétaire des lieux, il poussa la porte d’entrée obligeant celui-ci à se décaler. Il n’avait eu besoin d’abuser de sa force mais, malgré une certaine résistance de la part de l’autre, cela lui avait été aussi simple que de pousser un cure-dents. L’un de ses quelques avantages divins : une force redoutable mais, également une résistance optimale contre les maladies humaines de même qu’une capacité en la métamorphose.

          Dionysos entra donc sans y avoir été au préalable invité dans l’appartement. A peine remarqua-t-il la décoration, cherchant simplement un endroit pas trop inconfortable ou s’installer. Car, quelque chose lui disait que la soirée risquait d’être longue. Remarquant le fauteuil ou s’était tenu précédemment son « hôte », il récupéra l’ouvrage entre ses mains sans y prêter attention et se laissa tomber sur le siège. Ce ne fut que lorsque son regard croisa de nouveau celui d’Harper qu’il ne daigna ouvrir la bouche.

          — Je suis là pour toi., dit-il le plus sérieusement du monde. Uniquement pour toi, Harper Hart.

          Les pensées se bousculaient dans l’esprit de Dionysos. La majorité d’entre elles n’étant que des parasites : des brides de fantasmes tel que des souvenirs de son rêve de ce matin ou d’autres détails qui lui donnait la furieuse envie de plaquer Harper Hart contre la première surface plane à sa portée. Elles étaient alléchantes ces images mais, elles ne l’aidaient en rien à se concentrer sur l’instant présent. Or, il devait se faire une raison, ce n’était pas en se contentant de regarder fixement le jeune pianiste qu’il allait lui faire comprendre que : dans un premier temps, il venait pour son incroyable don pour la musique et optionnellement, dans un second temps, il ne serait pas contre un plan à trois entre Harper, lui-même et le canapé. Ce dernier étant fortement intervertible avec un lit, une douche ou même le sol s’il le… Concentration. Concentration.

          Il écoutait Harper parler. Il comprenait les mots qu’il prononçait mais, ne leur donné qu’un sens très minime. Il n’était pas intéressant ? Certes, il ne vivait pas tous les jours avec lui mais, de là à affirmer une telle idiotie. Ce type avait un très sérieux problème de confiance en lui. A ce stade, problème n’était peut-être même plus le mot adéquat. Il n’avait aucune confiance en lui tout court. Et pourtant, Dionysos de son côté avait trouvé le moyen de le transformer en véritable obsession : lui et son talent pour le piano, lui et son joli minois… Néanmoins, il n’était pas certain que formulé ainsi, les choses eussent l’effet escompté. Aussi, fit-il le tri dans ses idées, disant à regret au revoir à ses agréables fantasmes pour redevenir l’emmerdeur entêté qu’il était.

          — On ne m’attend nulle part, si ce n’est ma mère : demain matin, pour le petit-déjeuner., commença-t-il, quelque peu sèchement. Et arrêtes de parler de sexe, nom de Zeus !

          Se voulant imposant, il se releva de son siège et d’un bond agile se retrouva sur ses pieds. Il fronça les sourcils tandis que son regard perçant accrochait celui de son interlocuteur.

          — Tu veux que je te prenne sur ce fauteuil, là, tout de suite, maintenant ?, demanda-t-il faussement. T’en a pas l’air alors, arrêtes avec cette histoire.

          Mais, une petite voix lui glissa que Colin était comme ça. Qu’il était moqueur. Qu’il profitait de tout le monde et n’importe qui. Qu’il menaçait sans vergogne et se débarrassait probablement tout aussi facilement des indésirables.

          — Ce type a voulu me faire une fellation, j’étais excité, rien de plus normal., consenti-t-il a expliquer néanmoins. Tu serais probablement dans le même état si je te faisais ce qu’il a… Non, en faite tu serais même carrément dans un état pire que le mien car, je suis sans me vanter bien meilleur à ce jeu là mais… Là n’est pas la question.

          Il s’approcha doucement mais, surement de sa proie dont il enleva la main de la poignet de la porte pour mieux la refermer avant de se replacer face au jeune employé. Plus proche qu’ils ne l’avaient jamais été jusque-là, ce qui demanda un effort supplémentaire au dieu pour rester concentrer.

          — Ce que je voulais te demander c’est : depuis quand tu pratiques et avec qui tu as appris…, dit-il, avant d'ajouter : Le piano. Je précise parce que j’ai pas l’impression que l’on se comprenne tous les deux.

          Le piano. Quoi d’autre ? Devant la mine déstabilisée du jeune blond en face de lui, il ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’Harper avait pu aller s’imaginer. Certes, il avait de nombreuses fois cité l’incident… vestimentaire de Dionysos mais, de là à avoir oublié qu’il jouait quelques instants plus tôt sur l’instrument… La vision avait dû être bien plus traumatisante que ce qu’elle lui semblait. Après tout, il avait devant lui un homme de vingt-sept ans dont la vie sociale semblait se tenir à de très rares échanges avec ces collègues. Jusqu’où pouvait-il pousser la théorie de la timidité ou de l’introversion ? Le jeune homme n’était pas stupide mais, son comportement trouvait plus d’écho dans l’émoi que dans la pudeur pure et simple.

          Son attention fut détournée par un geste de son vis-à-vis. Il ne pût s’empêcher d’imiter le mouvement. Se lécher la lèvre : j'aimerais mais, je ne peux pas. Indicateur de plaisir. S’il y avait une chose pour laquelle le dieu avait développé un don au cours de ces nombreux siècles d’existence, c’était très certainement dans la compréhension du langage corporel humain. La plupart d’entre eux ne voyaient cela que comme des tics dû à une émotion mais, ne cherchaient jamais à en savoir plus. Harper devait probablement se sentir oppressé face aux discours que le brun venait de prononcer, voir stressé mais, pas uniquement. J’aimerais mais, je ne peux pas. Le sujet ou l’interlocuteur est source de plaisir. La grande question était : Lequel ?

          Néanmoins, il abandonna bien vite cette nouvelle interrogation en compagnie de toutes les autres qu’Harper Hart venait susciter chez lui. Il fallut un certain temps au dieu pour comprendre ce que le blond venait de lui dire. Une partie de ses mots en particulier retenait son attention : Tout seul. Tout seul ? Comme dans tout seul ? – La mélodie repassait dans son esprit depuis trois jours, il ne parvenait à s’en départir tellement, elle était parvenu à l’envouter lui, le dieu des plaisirs et des divertissements. Probablement l’un des premiers artistes à avoir foulé la Terre… Et le blondinet lui annonçait avec désinvolture qu’il n’avait pour ainsi dire jamais pris de cours – Au lycée ? Sérieusement ? – et qu’il parvenait à produire un morceau original de qualité ?

          Il fronça les sourcils sous l’effet de la concentration et surtout, de l’incompréhension. Certains pensaient que cette moue était du pur « dégoût » ou encore une façon comme une autre de montrer son dédain mais, en vérité, il n’en était rien. Elle était inconsciente et exercer simplement une pression qui aidait le brun à réfléchir. D’ailleurs, ce fut à peine si celui-ci entendit Harper ironisait quant à sa condition d’employé à Juilliard. Il ne trouvait pas cela drôle du tout. Plutôt effarant et encore, le mot n’était pas assez fort pour décrire ce qu’il ressentait véritablement. (…) Il bougea en même temps qu’Harper, plus par réflexe que par décision. Il se fit l’effet d’un tournesol suivant tant bien que mal le déplacement de l’astre solaire. Et il rejoignit le bar tel un automate, le regard perdu dans le vide, abhorrant toujours la même expression faciale.

          — J’ai trouvé Mozart quand il avait trois ans, j’ai pas pu louper… Ca., baragouina-t-il dans sa barbe.

          Il prit par automatisme la tasse de café que son hôte lui offrit. Il ne soucia nullement de savoir si celui-ci était sucré ou autre, trop occupé à rechercher dans sa mémoire la moindre trace d’Harper Hart qui aurait pu lui échapper. A vrai dire, il n’aimait même pas le café ou la caféine en général. Pour lui, le fameux mélange Whisky Coca était une véritable abomination.

          Finalement, il releva les yeux vers le jeune homme et, les sourcils toujours froncés sous l’effort, pencha légèrement la tête sur le côté tout en l’observant avec attention.

          — Qu’est-ce que t’es ?, fit-il avant de se reprendre. Je veux dire : t’es qui ? Tu sors d’où ? Pourquoi ne pas être aller voir un des professeurs ? Je veux dire, j’suis un con mais, y’en a des biens dans cette école !

          Sans quitter sa cible des yeux, il porta la tasse à ses lèvres et bu une gorgée… avant de grimacer fortement. Il reposa le récipient avec une moue.

          — Je suppose que tu n’as pas de Whisky dans tes placards ?, demanda-t-il sans espoir.

          Juilliard ne faisait pas dans la charité. Il n’avait pas totalement tort. L’école n’offrait qu’une dizaine de bourses sur la totalité de ses facultés. Mais, un talent comme le sien, si ses professeurs de secondaire s’en était donné la peine, il aurait probablement eut ses chances. Désormais, la question ne se posait pratiquement plus : à son âge, il ne serait plus admis en première année. Néanmoins, il n’était jamais trop tard pour agir. Avec l’aide de Colin, il pourrait faire entrer le jeune employé dans l’une des troupes de l’université… A condition d’en convaincre le professeur responsable. Ce qui serait probablement l’étape la plus ardue, si ce n’est l’instant où il devrait confronter le blond a un public. Mais, ils n’en étaient pas encore là.

          S’il ne fut pas étonné d’entendre que le jeune homme ne possédait pas d’alcool, il fut quelque peu blessé de voir que celui-ci pensait toujours à le mettre dehors le plus vite possible. Il avait espéré qu’Harper, en lui offrant ce café, lui permettrait d’en apprendre d’avantage sur sa personne, voir qu’ils pourraient parler sérieusement affaire… Et pourquoi pas terminer cette dure soirée de manière plus agréable mais, il était clair qu’il s’était leurré. Certes l’employé ne le poussait plus vers la porte avec insistance mais, il ne lui ouvrait pas non plus la porte de sa chambre. Mais, Dionysos était patient. Il saurait attendre… A sa manière, bien entendu.

          — Moi qui pensais que tu finirais par m’ouvrir tes draps., ironisa-t-il avant d’adresser l’un de ses plus séduisants sourires à son vis-à-vis.

          Sans se départir de ce dernier, il pencha de nouveau la tête sur le côté, voulant se donner l’air le plus désirable possible sans pour autant être agressif dans sa manière d’approcher sa proie.

          — Tu es… captivant., dit-il finalement. Tu ne réalises pas la moitié de ce que tu vaux… Et je ne parle pas uniquement de ton physique c’est… épatant. Et je sais de quoi je parle, je vis avec moi-même tous les jours., se senti-t-il obligé d’ajouter.

          Le blondinet à lunette a dit quoi ? Dionysos en resta littéralement bouche bée. Non pas qu’il ne s’était pas attendu à une certaine forme de résistance, à de nombreux arguments allant du faite qu’ils ne se connaissaient pas vraiment au fait qu’il était le fils de son employeur… Mais ça. Celle là, il ne l’avait pas vu venir. Car, aussi loin que sa mémoire lui permettait de remonter – autant dire, très, très loin – il n’avait jamais connu de personnes lui ayant aussi ouvertement… menti sur son attirance. Pourtant, il en avait vu : des femmes et des hommes : homosexuels, bi ou encore simplement curieux…

          Il aurait pu douter. Après tout, Colin était un homme séduisant mais, il avait ses défauts. Mais, la quasi-totalité du corps de son vis-à-vis lui criait qu’il n’était pas le seul à avoir repensé à cette scène, d’il y a de cela quelques jours. Et il aurait pu mettre sa main à couper qu’il n’était certainement pas le seul non plus à avoir passé au moins une nuit quelque peu agité. (…) Sans parler du comportement contradictoire qu’adopté le jeune homme. Il savait pertinemment que Dionysos ne partirait pas de lui-même, or il avait préféré le laisser à sa stupéfaction plutôt que d’en profiter pour le raccompagner jusqu’à sa porte et ainsi lui signifier que leur entrevue prenait bel et bien fin. Il voulait jouer ?

          Se détachant du bar ou il se tenait, le brun rejoignit sa proie d’un pas silencieux. Il l’observa un instant et ne put empêcher un léger sourire de s’emparer de ses lèvres. Le tableau que laissait voir Harper était à la fois sexy et… attendrissant. Il n’aurait su dire si cela venait de sa posture tendue, de ses lunettes qui glissaient inlassablement sur son nez fin ou du livre qu’il tenait purement et simplement à l’envers mais… Cette image le rendit légèrement nostalgique. Il était de réputation qu’il aime s’amuser et les plaisirs de la vie mais, cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pu partager ceux-ci avec quelqu’un dans le véritable but de partager. Alors, Harper Hart n’était peut-être pas de ces hommes directs mais, il éveillait bien plus en Dionysos en cet instant que beaucoup d’autres avant lui.

          Doucement, il s’approcha du fauteuil et prit l’ouvrage des mains du blond, ne lui laissant nullement le temps de protester, il s’installa à califourchon au-dessus de lui. Ses genoux prenant appui de chaque côté du corps du jeune employé dans le peu d’espace qui résidait entre celui-ci et les accoudoirs. Il pria intérieur Aphrodite pour que le vieux meuble supporte leurs poids tout en laissant ses mains s’égarer sur le torse d’Harper. Il releva les yeux vers les siens tandis qu’une main remontait jusqu’à sa nuque à la base de ses cheveux, caressant délicatement celle-ci. Puis tout aussi lentement que précédemment, il se pencha pour venir nicher son visage au creux du cou du jeune homme qu’il effleura du bout de ses lèvres avant de remonter jusqu’à son oreille qu’il frôla de la même manière.

          — Pour réussir, il ne suffit pas de prévoir. Il faut aussi savoir improviser., lui chuchota-t-il, citant Asimov.

          Au prénom de Colin, Dionysos ne put s’empêcher de grimacer. Et s’il fut bien heureux qu’Harper ne puisse le voir, il ne pouvait s’empêcher de sentir une nouvelle sorte de frustration s’insinuer en lui. Il n’était pas Colin Weasley, il était Dionysos. Un dieu certes ayant pris l’habitude aux fils de siècles de se fondre parmi les humains mais, qui ne se ferait certainement jamais à l’idée d’être nommé par le nom de son hôte dans de telles situations. Malheureusement, si par le passé, il n’avait eu aucun mal à faire admettre à ses partenaires qu’il était lui. Le temps et les changements firent de la chose un aveu de plus en plus difficile. La plupart des gens ne les voyaient les Olympiens et lui que comme des pièces de musées ou encore de jolies légendes à conter aux enfants. Si certains croyaient en Dieu, ils avaient oubliés les « Anciens ». Et sans moyen de prouver ce qu’il avançait, il savait que le jeune homme le prendrait pour un marginal, ou pire un fou, et se débarrasserait de lui plus rapidement que prévu.

          Aussi prit-il sur lui de ne pas commenter l’utilisation de ce prénom maudit. Son attention fut par ailleurs bien vite détournée par une initiative du blond. Il fut ainsi étonné de sentir sa main se déplacer sur son corps, elle qui était restée extrêmement sage jusque-là. Un frisson le parcouru suivant le même chemin qu’elle. Il releva les yeux lorsque celle-ci se posa sur sa joue, surpris par la tendresse que ce genre d’attouchement pouvait exprimer. Il comprit cependant sans mal quel était le problème d’Harper Hart, ce qui n’empêcha pas un profond étonnement de se peindre sur ses traits tandis qu’il observait son partenaire. De nouveau, et sans qu’il y pense, sa tête se pencha légèrement sur le côté. (…) Harper avait peur. La nouvelle était… troublante. Il avait un certain mal à imaginer pourquoi pour bien des raisons. Lui-même étant imperméable aux maladies humaines, il ne risquerait aucunement d’être atteint suite à un rapport – protégé ou non – avec le blond… Mais, il savait également que les Hommes avaient inventés de nombreux stratagèmes pour éviter la propagation de ce genre de maladies.

          Ne sachant que répondre face aux paroles de son vis-à-vis, il opta pour une seconde option : se penchant, il déposa ses lèvres sur la mâchoire du jeune homme ou une larme traitresse avait coulé quelques instants plus tôt. Il détestait les larmes, elles représentaient bien trop de mauvais souvenirs à sa mémoire. Il devait lutter pour ne pas laisser les murs qu’il avait ériger tomber et dévoiler le Monstre qu’ils dissimulaient. (...) Il déposa de nombreux baisers papillons sur le visage du blond : passant par son front, son nez, ses paupières… Finalement, il s’attarda de nouveau sur la mâchoire avant de déposer délicatement ses lèvres sur les siennes se voulant rassurant. Tout aussi doucement que précédemment, il s’empara de celles-ci sans pour autant quémander d’avantage, attendant qu’Harper ne décide d’approfondir ce baiser… ou non.