« I was made to keep your body warm
But I'm cold as the wind blows so hold me in your arms »

Une infirmière fluette entra dans la chambre de Morphée, un dossier à la main. Elle le posa sur le lit, un grand sourire aux lèvres. « Alors, Kyle, c'est ton dernier jour parmi nous aujourd'hui ! Demain tu retournes à la vie normale ? » commença-t-elle tout en examinant les pupilles de l'hôte de Moprhée à l'aide d'une petite lampe électrique. « Je sais que tu es contente de me voir partir, mais tu n'as pas besoin de me cracher ton bonheur à la figure » plaisanta le dieu en faisant mine d'être outré. La jeune femme rit et pressa une main amicale sur son épaule « Ne dis pas de bêtises, tu sais très bien que mon patient préféré va me manquer ! » Elle continua son examen sans dire grand-chose pendant quelques minutes, blaguant parfois avec Morphée quand il faisait une remarque plus ou moins inappropriée. « Bon, tout me semble en ordre, mais le docteur veut quand même que tu passes nous voir une fois par semaine pendant ces deux prochains mois. Il veut s'assurer que tout va bien. Et n'oublies pas tes rendez-vous chez le psychologue. D'ailleurs, tu vois le docteur Sefton tout à l'heure ? (Morphée hocha la tête, un sourire radieux sur le visage à la pensé de ce moment, seul, en compagnie d'Isaac.) Bien, donne lui ça. À bientôt Kyle, bonne chance ! » Annie quitta la chambre et Morphée jeta un oeil au papier qu'il avait dans les mains. C'était une feuille de papier très fine, d'un jaune assez laid, recouverte d'encre noire. Il s'agissait de son autorisation de sortie. Une fois ce papier signé, Morphée serait libre. Ou presque. Pendant les deux semaines qu'il avait passé à l'hôpital, le dieu avait rapidement oublié qu'il y était enfermé, il avait même commencé à aimer cette vie, la simplicité, ses rendez-vous avec Isaac, pour la première fois depuis des siècles, il n'avait à se soucier que de lui-même. Mais après tout ce temps au service de l'imaginaire des hommes Morphée pouvait-il encore se mettre au premier plan ? Oublier ses créatures préférées ? Bien sûr que non. Très vite, il s'était enchaîné de son plein gré au bonheur d'un simple mortel, un mortel qui se donnait du mal pour ne pas vouloir de lui. Oui, Isaac hantait l'esprit de Morphée, qui passait le plus clair de son temps libre à imaginer des rêves pour celui-ci, pour qu'il oublie sa femme, pour qu'il la quitte, pour qu'il s'offre à lui. Et maintenant s'il le voulait, Morphée pouvait quitter tout ça, laisser ces deux semaines derrière lui et commencer à chercher d'autre dieux pour pouvoir rentrer sur l'Olympe. Deux semaines après tout qu'est-ce que c'est pour un dieu ? Morphée était perdu, sans la moindre idée de ce qu'il voulait. S'extirpant de ses pensées, il leva les yeux vers l'horloge accrochée au mur. Elle indiquait onze heure vingt-sept. Il allait être en retard. À la hâte, il enfila ses chaussures et prit le chemin du bureau du docteur Sefton. Une fois arrivé, il s'arrêta quelques instants devant la porte, il avait marché si vite que son vessel était à bout de force. Une fois son souffle retrouvé il entra sans frappé.

▻ this feels like falling in love

La journée d'Isaac s'annonçait radieuse. Avec le soleil qui passait dans son bureau, il avait l'impression que rien ne pourrait la gâcher. Il était arrivé dans son bureau, vers neuf heures du matin, après avoir déposé sa fille au lycée. Il avait laissé sa femme dormir et avait espéré ne pas la croiser avant le travail. Elle dormait profondément, il ne la verrait que le soir-même. Maintenant, il était assis derrière son bureau et regardait les prochains dossiers qui l'attendait. A neuf heures et demi, il avait eu la visite d'une vieille femme qui avait eu quelques problèmes après le décès de son mari. Elle était très gentille et Isaac aimait bien l'avoir en séance. Le rendez-vous dura une heure; vers dix heures trente, il décida de profiter de son heure de libre pour regarder le prochain dossier. Kyle Keller. Depuis quelques temps, le jeune homme hantait ses rêves et ses pensées. Il se voyait vivre avec lui parfois, sans sa femme. Quand on parle du loup... Isaac sortit soudainement de ses pensées par la sonnerie du téléphone. Judith. Il soupira en décrochant. « Bonjour Judith. [ ... ] Oui, Eden est bien à l'école. [ ... ] D'accord, j'y penserais en rentrant. [ ... ] Non, tu me déranges pas. [ ... ] Comment ça ? [ ... ] Arrête, je t'écoute, je te dis ! [ ... ] On va pas commencer à se prendre la tête au téléphone, si ?! [ ... ] Tu sais quoi ? Fais comme tu veux. A ce soir ! » Le psychologue raccrocha sèchement, en se retenant d'envoyer le téléphone à travers la pièce. Son couple battait de l'aile depuis plusieurs semaines et ça l'énervait de plus en plus. Il reprit son calme puis continua la lecture du dossier jusqu'à ce que l'arrivée de son patient vienne l'interrompre. Il leva les yeux vers celui-ci en souriant. « Tu sais que tu peux toquer avant de rentrer, Kyle ? » Les deux adultes se tutoyaient depuis qu'ils se voyaient souvent. Deux fois par semaine exactement. Cela ne déplaisait pas à Isaac mais il ne l'admettait pas. Il l'invita à s'assoir sur le sofa et quant à lui, alla fermer la porte pour ensuite s'assoir sur le fauteuil face à lui. « Alors. Comment vas-tu cette semaine, Kyle ? » commença-t-il.

FICHE ET CODES PAR RIVENDELL

Quand il aperçue Isaac, le coeur du vessel de Morphée fit un bon dans sa poitrine. C'était stupide, Isaac était insignifiant, qu'un mortel sans aucun rôle dans le grand dessein, un grain de sable sur la plage, une goutte d'eau dans l'océan. Mais Morphée ne pouvait s'empêcher de penser à lui, il ne pouvait s'empêcher de scruter l'esprit de ce mortel pour être certain qu'il y était omniprésent, qu'il n'était pas le seul à envisager toutes ces choses qu'ils pourraient être si Isaac ne s'acharnait pas à rester avec sa femme, cette Judith qu'il détestait. Peut-être que finalement Isaac en aurait un, de rôle, peut-être qu'il changerait Morphée pour le meilleur. Ou pour le pire ? Qui sait ? Mais un mortel capable d'ensorceler un dieu n'est probablement pas aussi minuscule et insignifiant qu'on voudrait bien le croire. « Tu sais que tu peux toquer avant de rentrer, Kyle ? » averti Isaac avec un sourire. En s'asseyant sur le sofa que lui proposait le psychologue, Morphée répondit d'un air choqué « Et ruiner toutes mes chances de te surprendre à moitié nu ou dans je ne sais quelle position compromettante ? Jamais ! Plutôt retourner me coucher. » il lança un clin d'oeil plein de sens à Isaac et fit courir ses doigts sur les coussins de cuir du sofa avant de reposer son attention sur le mortel. Morphée ne s'allongea pas, premièrement parce qu'il n'aimait pas cette position, si son travail était de protéger les dormeurs, le sommeil de Morphée se rapprochait plus à celui d'un insomniaque. Mais surtout, le dieu ne voulait ou ne pouvait pas se résoudre à regarder le plafond quand une oeuvre d'art tel qu'Isaac se trouvait si près de lui. « Alors. Comment vas-tu cette semaine, Kyle ? » Le dieu réfléchit un instant. Il allait bien quand on oubliait le fait qu'il était enfermé dans le corps d'un mortel sans moyen de rentrer sur l'Olympe ou aux Enfers et que son seul réconfort était ces rendez-vous avec un mortel qui se refusait sans cesse à lui. Mais Morphée n'était pas du genre à se lamenter sur lui-même et les lieux divins ne lui manquaient pas tant que ça après tout. De plus, c'était agréable de pouvoir se lâcher un peu et sachant que ça n'allait pas durer, autant en profiter. Non ? « Je n'ai pas à me plaindre » finit-il par répondre. « La nourriture n'est pas si mauvaise et le personnel de l'hôpital est absolument charmant. Et toi ? Comment va ta femme ? Non en fait ne réponds pas. Je m'en fiche de ta femme. Toi, comment ça va ? » Morphée avait appris qu'en général ce n'était pas au psychologue de répondre aux questions, mais il n'en avait sincèrement rien à faire, il aurait pu rester des heures à écouter Isaac lui parler de tout et de rien. Le dieu c'était même pris d'affection pour sa fille, Rachel. Isaac ne lui avait pourtant pas dit grand-chose à son sujet, Morphée savait juste qu'elle existait et parce que le mortel l'aimait, alors lui aussi. Quand il y pensait, il riait de sa niaiserie, de voir combien il pouvait devenir sentimental et presque romantique après seulement quelques regards. Morphée n'avait pas une réputation de dieu chaste et fidèle et pourtant, si les autres dieux savaient.

La franchise de Kyle était déconcertante pour Isaac. Il se retint de rire à sa première remarque, et rougit légèrement au clin d'œil que lui lança son patient. Ces remarques, qui visaient à lui montrer qu'il l'intéressait gênait un peu le psychologue qui ne savait pas trop comment réagir. En réalité, il savait y faire avec les hommes mais Kyle avait quelque chose de différent. Il préférait éviter de penser car ça menait toujours à la même conclusion. « Je n'ai pas pour habitude de me balader nu dans mon bureau, surtout sachant que la porte est transparente. » Il laissa son patient s'installer. Une fois bien en place, Isaac eut enfin la réponse à sa question. « Je n'ai pas à me plaindre. La nourriture n'est pas si mauvaise et le personnel de l'hôpital est absolument charmant. Et toi ? Comment va ta femme ? Non en fait ne réponds pas. Je m'en fiche de ta femme. Toi, comment ça va ? » Le psychologue soupira en souriant. A croire qu'il ne voulait pas parler de lui alors que c'était la raison de sa venue ici. Il parla rapidement de sa femme et la façon dont il changea pour parler de lui le fit sourire. Décidément, Kyle ne cesserait de l'étonner. « On ne fait pas ma thérapie, il me semble. Non ? » répondit-il dans un sourire. « Alors comme ça, tu sors bientôt de l'hôpital. Ou alors tu es déjà sorti. Je ne sais plus. » Isaac regarda rapidement son dossier et rectifia. « Demain, je vois. Qu'est-ce que ça te fais de retourner dans le vrai monde ? » Pendant que Kyle répondait, son téléphone sonna. Enervé d'être interrompu, ça avait intérêt d'être important. C'était Eden. Exceptionnellement, il décrocha avec une lueur d'inquiétude dans le regard. Il pria Kyle de l'excuser et se leva pour s'éloigner un peu. Deux minutes après, il retourna s'assoir. « Excuse moi, c'était ma fille. »