«
Je ne comprends pas ce que nous faisons là. » pesta Artemis alors qu'elle franchissait les lourdes portes en bois de l'Église Saint Sulpice «
Toi et moi savons pertinemment que Jesus n'existe pas, ou nous le saurions. Nous ne sommes pas des dieux pour rien.. ». Zeus haussa les épaules et lui ébouriffa les cheveux, au grand dédain de cette dernière qui pensait qu'après sont neuf millième anniversaire, son divin paternel aurait cessé de la traiter comme une gamine. «
J'ai toujours voulu visiter Paris. Et puis, c'est amusant de voyager, je commençais à me lasser du Mont Olympe. Quoi de mieux qu'un aller retour dans la plus belle ville du monde au moment de l'Exposition Universelle ? Je suis intrigué par cette Tour Eiffel qui, aux dires de certains, déformerait la ville et projetterait son ombre sur Paris tel un gigantesque pénis en érection. Ou quelque chose du genre. . ». Elle roula des yeux «
C'est vrai que tu en sais mieux que quiconque sur le sujet, ton propre pénis a passé plus de temps en dehors de ta toge que bien au chaud, caché aux regards de tous comme la bienséance le voudrait. . ». Il l'ignora au profit d'un autel, qu'il observa minutieusement, avant de bougonner «
Par ma foi, la technique des mortels s'est bien améliorée. Que n'aurais-je donné pour de tels temples et de tels édifices ! Mais non, tout était rectangulaire, quel manque d'originalité. Ici, c'est toute en finesse, toute en courbe. C'est splendide. Quand je croiserais ce Jesus, j'aurais deux mots à lui dire tu peux le croire. . ». Elle sourit avec indulgence «
Ton temple d'Olympie n'avait rien à envier à cette Église. Souviens toi de cette statue d'or et d'ivoire haute de douze mètres où chacun venait honorer ton postérieur divin. . ». Zeus dévoila ses dents blanches pour laisser son rire s'échapper alors qu'il lui faisait remarquer «
Tu es toujours aussi sarcastique. L'abstinence sexuelle te rend amère. . », ce à quoi elle s'empressa de rétorquer «
Et tu es toujours mégalomane, orgueilleux et tu ne penses qu'avec la partie virile de ton anatomie. On s'habitue à tout après le second millénaire. . ». Ils continuèrent leur visite dans un silence agréable, ne ressentant pas le besoin de se parler. Artemis observait les dorures, envieuse, et se régalait des dalles de marbre joliment éclairées par le soleil qui passait au travers des vitraux. Arrivant devant un autre autel plus petit, elle lut avec difficulté l'inscription gravée dans la pierre «
Saint Antoine de Pardoue ... De quoi diable était-il le patron ? . ». Zeus se pencha sur un vieux livre aux pages cornées avec une couverture en cuir ruinée. Fronçant les sourcils, il finit par trouver ce qu'il cherchait «
C'est le Saint Patron des Choses Perdues. . ». La déesse, du tac au tac, renchérit sans réfléchir : «
Comme ma virginité ? . », s'attirant le regard mauvais d'une vieille dame à côté d'elle. Ne pouvant tenir sa langue, Artemis claqua sèchement à la mégère qui la fusillait des yeux pour avoir troublé la paix de la Sainte Maison du Seigneur par ses mots "impurs" «
Quoi ?! Je serai prête à parier que vous avez perdu votre virginité il y a soixante dix ans, c'est un peu tard pour apparaître choquée vous ne croyez pas ?! . ». La femme partit sans demander son reste, murmurant quelque chose sur « Les jeunes, de nos jours ... ». Artemis ricana, avant de regarder son père qui l'observait, la bouche et les yeux grands ouverts «
Que - Quoi ? Tu n'es plus vierge ? Mais qui ... Qui a osé te souiller ? Parles et je les ferai chasser de l'Olympe. . ». La déesse se mordit la lèvre inférieure et se maudit d'être incapable de tenir sa langue «
Je ne crois pas que tu aies envie de parler de ma vie sexuelle.. », essayant d'échapper à Zeus en allant dans la direction opposée. Malheureusement, le dieu n'allait pas la laisser partir sans avoir des réponses et attrapa son poignet «
C'était Apollon, n'est-ce pas ? . ». Elle s'étrangla sur sa salive, en partie parce que son assomption était vraie «
Quoi ? Mais c'est mon frère jumeau, ne raconte pas n'importe quoi ! . » il rit jaune «
Et alors ? Héra est ma soeur. Si les liens de parenté avaient déjà empêché les dieux de forniquer, la moitié d'entre nous ne serait pas de ce monde. Alors, réponds, c'est lui ? . » Vexée d'avoir été prise sur le fait, elle bafouilla pitoyablement «
Tu sous entends que personne d'autre que mon propre frère ne voudrait de moi ? . ». Ils avaient passé près de sept décennies à s'envoyer sur chaque surface disponible, et encore aujourd'hui il leur arrivait de se retrouver pour des parties de jambes en l'air inopinées. Mais pas question de l'avouer à Zeus, c'était déjà assez humiliant qu'il ait deviné du premier coup.
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Nemesis et Artemis, ou, l'une des amitiés les plus improbables du Mont Olympe. La déesse de la chasse et la déesse de la justice divine, meilleures amies ? Qu'on en risse, elles restaient la pire équipe de commères du monde mortel et du monde Olympien réunis. Gare à leur colère, on ne ressortait pas intacte d'un mauvais tour mis en oeuvre par ces deux pestes. Ainsi pourra le confirmer Aura, qui, la malheureuse, osa remettre en cause la virginité de la chasseresse. Sitôt dit sitôt fait que Nemesis et Artemis conspiraient déjà, condamnant Aura au viol de son corps et de sa vertu par le Dieu Dionysos. Artemis était indomptable, sauvage, inattendue, on la craignait pour son imprévisibilité et son orgueil si facilement froissé. Au contraire, Nemesis était implacable, parfois cruelle, cependant jamais déraisonnable. Elle maniait les tables de lois divines avec application, se délectant de leur usage qui justifiait alors qu'elle appliqua sa juridiction sans crainte d'être à son tour victime de vengeance. Personne ne savait comment marchait leur amitié dysfonctionnelle, et il n'était pas rare d'entendre leurs éclats de voix de par le palais de Zeus, alors qu'elles s'arrachaient violemment les cheveux pour la moindre broutille .... Un amant, une toge, une remarque désagréable lancée avec un peu trop d'aplomb «
Je n'aime pas ton péplos, tu ressembles à Medusa dedans » «
Peut-être que tu devrais penser à changer le tien alors, ça te grossit, on dirait un centaure. » «
Tu me traites de cheval ?! Retires ça ou je te maudis. » «
Culotte de cheval... » «
Je compte jusqu'à trois .... ».
Excitée comme une puce, Artemis débarqua dans la chambre de Némésis, sautillant un peu partout avec un sourire d'enfant. Non contente de s'introduire dans la chambre de son amie sans son autorisation, la déesse de la chasse piaillait et l'appelait répétitivement «
Nem Nem Nem Nem ». En réponse, Némésis grogna et alla se cacher plus loin sous l'étoffe soyeuse de ses draps «
Je me repose » gémit-elle faiblement quand Artemis entreprit de la secouer avec une énergie étonnante pour quelqu'un de si minuscule. «
Lèves toi, le roi Louis a organisé un bal, nous devons nous apprêter ! » à la mention du mot bal, Nemesis sortit la tête de ses couvertures, faisant grimacer la déesse blonde «
Par tous les dieux, il va y avoir du boulot ! Qu'as-tu pu bien faire hier soir pour avoir si mauvaise mine ? » son amie lui lança un regard noir «
C'est la dernière fois que j'accepte l'une de tes idées stupides. Tu sais très bien que je ne supporte pas les mortels, et tu m'as obligé à t'accompagner à Versailles. Cet endroit empeste la boue, la sueur, les français ne se lavent jamais et pensent dissimuler leurs odeurs dégoûtantes avec ces parfums infâmes qui me font continuellement tourner la tête ! Mais en plus, comble de l'histoire, tu me fais passer pour l'une de tes dames de compagnie ! ». Artemis l'ignora et se leva pour aller observer les robes dans l'armoire de Némésis, décidant avec hésitation sur la couleur qui accompagnerait le mieux le lilas de sa propre robe. Elle finit par se décider sur une robe beige très claire dont la dentelle qui ornait le bustier rappelait vaguement la couleur de son habit. «
Tout le monde dans le palais pense que tu es ma maîtresse. » annonça Artemis avec indifférence, alors qu'elle trempait un doigt dans le bain qu'elle venait de faire apparaitre (si l'expression disait, "Quand à Rome, faites comme les Romains", il n'était pas question qu'elle imite l'hygiène contestable des Parisiens.). Elle rentra dans l'eau, faisant disparaitre ses habits d'un claquement de doigt. «
Tu viens ?» s'enquit-elle, en commençant à laver sa peau avec soin. Nemesis parut hésiter un instant, avant de la rejoindre, obligeant à pousser la déesse pour qu'elle lui fasse de la place dans la baignoire «
Je ne pense pas vraiment qu'il soit commun pour une dame de compagnie de se baigner avec la duchesse qu'elle divertit » se contenta t-elle de répondre.
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Artemis papillonna des yeux, laissant le voile de ses paupières s'élever pour apprécier la lumière qui venait caresser son visage et sa peau. Elle étira avec délectation ses membres encore engourdis par le sommeil avant de se lever du lit, observant la silhouette masculine qui se cachait sous ses draps —
Attendez une minute. Une silhouette masculine qui se cachait sous ses draps ? Elle n'était certes, plus vierge, depuis l'aube du dix-neuvième siècle, mais elle n'avait jusqu'alors eu pour compagnons d'une nuit qu'Apollon, et quelques nymphes de sa garde qu'elle avait séduit avec subtilité afin d'égayer ses crépuscules solitaires. Jamais n'avait elle amené d'autres hommes dans ses draps que son propre frère, et encore moins sans aucun souvenir de la veille au soir. Elle était une déesse, et qu'importait l'ivresse que pouvait lui apporter la douce ambroisie, les effets de l'alcool ne la laissait jamais plus qu'exaltée. Paniquée par le retournement soudain de situation, elle brandit son arc (qui ne faillait jamais d'apparaître entre ses mains quand le besoin s'en faisait sentir) et s'écria «
Qui es-tu ? Montre toi avant que je t'embroche de ma flèche ! ». L'homme se redressa et frotta ses yeux, fronçant les sourcils. Elle gronda en montrant les dents de manière instinctive, une habitude qu'elle avait pris lorsqu'elle se sentait menacée. «
QUI ES-TU » répéta-t'elle plus doucement, comme on parle à un enfant désobéissant. Il souleva les paupières avec difficultés et la regarda, défait «
Toi, qui es-tu ? Je ne me souviens pas t'avoir possédée. Quel est ton nom ? Et ranges cet arc. Il est six heures du matin et je ne suis pas d'humeur à me faire menacer. ». Artemis ne montra aucun signe de l'avoir entendu, si ce n'est en tendant son arc davantage pour viser le front de son interlocuteur «
Réponds ou meurs. ». Il leva les mains en l'air «
Ça va, ça va. Je suis Apollon. ». Sous le choc, la déesse sentit son arc vaciller dans ses mains, et il en profita pour lui arracher et se positionner derrière elle, ne semblant pas gêné que leurs corps nus se retrouvent collés l'un à l'autre. «
Dis moi ton nom. » souffla t-il sensuellement au creux de son oreille, la faisant frissonner. Elle sentit la main du jeune homme lui caresser le flanc et finit par murmurer «
Tu sais qui je suis. Je suis Artemis. Maintenant, veux-tu bien m'expliquer pourquoi tu as pris cette apparence ? ». Les doigts cessèrent tout mouvement sur sa peau, et elle se surprit à les regretter. «
Artie ?! » il se décala d'elle et pour la première fois, elle aperçut son propre reflet dans un petit miroir au dessus de la tête de lit. Si son frère, Apollon, avait radicalement changé, il en allait de même pour elle. Ses cheveux, d'ordinaire d'un blanc lunaire qui lui tombait par cascade sur les épaules, avaient pris une vilaine teinte marron, et son visage s'était adoucit. Elle était plus jolie, elle ressemblait à l'une de ces pales poupées de porcelaine, plutôt qu'à la guerrière qu'elle s'était toujours targuée d'incarner. «
Par notre père, Artemis, que t'est-il arrivé ? » s"exclama t-il. À son tour, il croisa son reflet dans le miroir et le dévisagea intensément. «
Est-ce que c'est moi ? Quelle est cette mauvaise blague ? Je suis brun ! Où sont mes cheveux blonds ? » et elle de rétorquer sèchement «
Et où sont les miens ? Et que faisais-tu dans mon lit ? » elle continua après un coup d'oeil aux alentours «
Et où sommes nous ? » Apollon s'approcha de la fenêtre et dit doucement «
Je crois bien que nous nous trouvons à New York, mais je ne peux en jurer. La dernière fois que je suis venu ici, nous étions en 1968 et je venais me délecter des filles légères qui étaient aussi faciles à cueillir que des fleurs de forêt. Douce époque que celle des Woodstocks. ». Artemis grinça des dents à la mention des conquêtes de son frère et il lui lança un regard entendu, sachant très bien la jalousie que lui apportait la simple référence de ces séductions d'un soir. Apollon retourna à ses côtés, lui faisant face alors qu'il encadrait le visage de la déesse de ses paumes «
Quant à ce que je faisais dans ton lit, chère soeur, je m'étonne que tu te poses encore la question après ces derniers siècles où tu l'as si volontairement partagé. ». Elle souffla, irritée qu'il soit dans le vrai, ce à quoi il répondit d'un sourire narquois avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Agacée, elle le repoussa d'une claque sur la main «
Je ne suis pas une vulgaire courtisane, et encore moins l'une de ces humaines libertines qui ont plus ouvert leurs cuisses qu'elles n'ont ouvert de livres ! ». Son frère l'embrassa à nouveau - il semblait à Artemis que ce corps dans lequel elle se trouvait pas hasard plaisait au dieu plus que de raison, et elle se laissa faire, répondant passivement au baiser qu'il lui imposait. Quand il se dégagea d'elle, à bout de souffle, il murmura fiévreusement «
Et pourtant tu baises comme une courtisane, tu bouges comme une courtisane, tu danses comme une courtisane » il la rapprocha de lui «
Tu embrasses comme une courtisane et tu me séduis à la manière d'une courtisane. Qu'est-ce que cela dit de toi, soeurette ? ». Elle alla à l'opposé de son frère pour observer les photos posées sur la table de nuit «
Que tu lis dans mon attitude ce que tu as envie d'y lire. ». Le cadre qu'elle avait pris en main les montrait, elle et "Apollon", échangeant un baiser passionné sur une plage de sable blanc avec un coucher de soleil derrière eux, une photographie parfaitement cliché du couple heureux et amoureux. Mordillant sa lèvre inférieure, elle jeta un coup d'oeil autour d'elle et finit par trouver un sac à main qui aurait pu lui appartenir. Elle l'ouvrit et attrapa le porte monnaie, dans lequel elle trouva une carte d'identité et un permis de conduire au nom de Geraldine Greenwoods. La voix de son frère et le bruit sourd de quelque chose qui se casse la sortit de sa contemplation muette «
Je ne comprends pas. Je n'arrive pas à retourner sur le Mont Olympe. J'ai beau me concentrer, impossible, c'est comme si une barrière entourait le palais. Pourtant, je n'ai aucun mal à faire apparaitre une partition, ou un instrument de musique. ». En effet, un gigantesque orgue venait de défoncer le plafond et du plâtre blanc s'était répandu partout dans la pièce. Exaspérée, elle reposa les papiers d'identité de la jeune femme et mis ses mains sur ses hanches «
Tu es débile ou quoi ? Fais disparaitre tout ça avant qu'un voisin ne le voit et se demande pourquoi un orgue a poussé comme par magie dans cet appartement. ». Il claqua des mains en soufflant d'un air ennuyé et tous les dommages ainsi que l'imposant instrument se volatilisèrent. Soulagée, elle se laissa tomber sur le lit «
Il faut retrouver les autres dieux. » conclut-elle «
En particulier Zeus. Lui seul saura quoi faire. ».
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Faith
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elle est trop belle 
