Cela faisait désormais quelques jours qu’un courrier avait été envoyé à mon appartement, courrier que la sœur de mon hôte avait par mégarde ou plutôt par pure curiosité faillit ouvrir. Heureusement, on avait échappé de peu au drame du siècle. Cette enveloppe comprenait un peu près toutes les informations importantes concernant ce cher Dolos, son nouveau logement, sa nouvelle vie, ou plutôt tous les détails concernant la vie de son hôte et bien évidement toutes les bourdes qu’il avait réussi à accumuler en seulement un mois de temps et qui mettaient en péril notre couverture sur terre. Depuis lors, je ne m’étais toujours pas décidée à aller lui parler, tout d’abord car je digérais encore ma rencontre avec Zeus et les enjeux de cette « mission », et ensuite parce que je cherchais mentalement le moyen le plus efficace et le plus susceptible de le convaincre d’arrêter ses foutues conneries et de se calmer. J’étais pétrifiée, en face de cette grande bâtisse, une grande villa de couleur blanche et beige avec vue sur la plage et l’océan, je n’en revenais toujours pas de l’endroit où vivait cette raclure. En mon fond intérieur j’avais espéré qu’il se soit réincarné dans le corps d’un clochard sans un sous en poche et très peu séduisant, mais malheureusement c’était l’effet inverse qui c’était produit et au vue de la photo annexée à mon courrier, il avait pris possession d’une enveloppe charnelle pas vraiment désagréable à regarder. Je pris mon courage à deux mains, respirai un bon coup et m’avançai d’un pas qui se voulait assuré vers la demeure du dieu de la ruse. J’entrepris alors de frapper, avant de tirer sur la poignée et de me rendre compte que la porte était ouverte. Quoi de plus normal après tout, comme s’il avait besoin d’une serrure pour se protéger. Je m’en voulu aussitôt d’avoir mis des bottes à talons hauts ce matin, en même temps vu la petitesse de mon hôte, je n’avais pas trop le choix. À pas lents, je découvris au fur et à mesure la somptueuse villa dans laquelle je venais de pénétrer par effraction tout de même, avant d’entendre de légers chuchotements s’élever dans les airs et provenant de l’étage. Ni une, ni deux, je montai les escaliers deux par deux avant de m’engouffrer dans ce qui semblait être, un bureau, faisant également office de petit salon. Depuis le seuil de la porte, je pouvais distinguer deux silhouettes, une de dos tendant un paquet à celui derrière le bureau. « C’est de la qualité. » assura l’homme de dos. J’arrivais en plein business apparemment. Je ne pu m’empêcher d’émettre un raclement de gorge audible afin d’attirer l’attention des deux interlocuteurs, qui se retournèrent sans attendre vers moi. « Je vous dérange peut-être ? » demandais-je simplement sur un ton détaché. Tandis que les lèvres de Dolos s’étirèrent dévoilant ainsi ses dents blanches et parfaitement alignées, l’autre protagoniste sembla paniqué par ma présence et rangea immédiatement dans sa veste la liasse de billets que venait de lui tendre Dolos. « Pas du tout amour, Daryl était justement sur le point de partir. » répondit-il simplement tout en me scrutant de haut en bas, et en serrant rapidement la main de ce Daryl avant que celui-ci ne s’en aille définitivement. Il me jaugea un moment, laissant ainsi le silence envahir la pièce. « Tu es toujours aussi sublime et appétissante. » m’assura-t-il tout en nous servant deux verres de… Whisky au vue de la couleur. « Et toi tu es toujours aussi fourbe et arrogant. » rétorquais-je froidement avant de prendre en mains le verre tendu vers moi. « On ne change pas les bonnes vieilles habitudes. » se contenta-il de répondre tout en m’adressant un clin d’œil évocateur. « Je suppose que tu n’es pas venue ici rien que pour profiter de ma compagnie, à moins que… » ajouta-t-il une pointe d’espoir dans la voix. « Ne te fais surtout pas d’illusions, si je suis venue à ta rencontre c’est parce que je me suis vu confier une mission te concernant toi et tes petites démonstrations de pouvoirs devant les humains. » l'interrompis-je dans le but de mettre immédiatement fin à ses espoirs. Il me scruta avec étonnement, avant d’avaler d’une traite son verre de Whisky et d’éclater d’un grand rire. « Et ce bel abrutit de Zeus croit que tu es la solution à ce léger problème, évidement ! » s’exclama-t-il entre deux éclats de rire tout en venant déposer sa main droite le long de ma joue. Je poussai un soupire exaspéré, avant de me décaler d’un pas en arrière. A peine venais-je de le retrouver et il m’excédait déjà au plus haut point avec ses sourires charmeurs, ses clins d’œil, et ses gestes enjôleurs. « Effectivement, il pense que je suis la mieux placée pour freiner tes ardeur. » dis-je simplement. Ses expressions faciales n’avaient pas changés d’un poil et ce malgré la transition qu’il avait subi. Son nouveau corps était différent en tous points de son ancien cependant, autrefois ses longs cheveux noirs corbeaux cascadaient le long de ses épaules tandis que son visage angélique reflétait totalement l’opposé de sa personnalité. Finalement, je le préférais dans ce nouveau corps qui semblait étrangement mieux correspondre à son identité. Dolos me dévisagea avec cet air indéfinissable, un mélange de désirs et de perversion. « Je dirais plutôt que tu éveilles en moi des désirs insoupçonnés, enfouis depuis un mois. » objecta-t-il, en profitant par la même occasion pour venir me caler entre lui et le mur. « Tu sais très bien ce que j’ai voulu dire Dolos. N’essaye pas d’éviter le sujet, d’ailleurs tu as plutôt intérêt d’arrêter tes conneries, parce que si notre couverture venait à être grillée par ta faute, c’est moi qui en prendrait pour mon grade. »persiflais-je vivement, tout en le repoussant prestement avant de sentir une forte pression envahir mon poignet bloqué entre les mains de mon interlocuteur. « Tu veux dire, que toi et moi sommes liés par le sort ? » questionna-t-il en resserrant son étreinte. « Non, nous sommes liés car tu n’es pas foutu de rester discret. Maintenant lâche-moi. » rétorquais-je froidement. Il s’exécuta sans un mot l’air songeur. Malheureusement cet état de réflexion ne dura pas assez longtemps à mon gout. « Donne-moi ce que j’attends de toi depuis des siècles, que dis-je depuis des millénaires, et je promets de me calmer. » m’assura-t-il. Sous-entend, couche avec moi. Je serai la mâchoire pour contenir ma colère et mon exaspération. « Tu rêves ! » ripostais-je immédiatement. « Alors je vais être contraint de continuer mes conneries, comme tu le dis si bien, et toi et moi, nous plongerons ensemble. » ajouta-t-il avant de replacer une mèche rousse rebelle derrière mon oreille, ce qui lui valut d’ailleurs une petite tape sur la main. « Tu me dégoutes, je ne savais pas qui tu étais tombé aussi bas au point de me faire chanter. » m’écriais-je en me dirigeant d’un pas pressé vers la sortie, il n’était pas question que je reste une minute de plus dans la même pièce que lui. « À vendredi soir amour, dix-neuf heures trente au Mandarin Oriental, à Manhattan. » Je roulai des yeux, s’il croyait que j’allais sérieusement me pointer à son stupide restaurant il pouvait se mettre le doigt dans l’œil.